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Vos joueurs, vos héros ?

Samedi 15 Mars 2014

 

  Un joueur qui vient dans une partie de jeu de rôles avec la motivation veut assez souvent y briller de mille feux, en incarnant le héros d'un pays, ou au contraire la peste noire mortelle et omniprésente (car certains veulent voir votre scénario brûler). Le jeu de rôles propose en effet un univers qui permet à la Table de s'imposer, d'avoir des récompenses, des félicitations. En contre-partie de leur mise en danger, le contrat qu'ils ont signé de leurs vies, ils veulent des gratifications. Ils veulent de la reconnaissance. Qu'il s'agisse du sauveur de mondes ou du plus grand serial killer de la ville, ils demandent à ce qu'on leur dise : tu es quelqu'un !

 

  Et justement, vous n'êtes pas là pour leur dire. Tout se mérite. Une réputation héroïque ou maléfique ne se crée par au bout d'une partie – sauf dans le cas d'un one-shot, à la limite. Non, ce processus de reconnaissance arrive tout doucement, partie après partie, et permet de construire le personnage de votre joueur, de le faire grandir, évoluer, et, allons jusqu'au bout, changer jusqu'à le transformer en héros.

 

  Ce qui selon moi permet de faire changer des personnages et des personnalités, ce sont évidemment les histoires, mais surtout, au sein de ces histoires, les PNJ. C'est pourquoi mes PNJ, très souvent, occupent une place très importante, voire essentielle, dans le déroulement du scénario.

 

  Dans la campagne de Dreamland, par exemple, les joueurs ont rejoint la Résistance, un groupuscule rebelle en guérilla contre une armée dix fois plus nombreuse et organisée qu'eux. Les chefs de la Résistance , un couple célèbre et recherché à travers le monde, comptent parmi les héros de la campagne, et les joueurs les accompagnent, les aident, participent à la réussite de la rébellion, mais ils ne dépassent pas leur réputation. Ainsi, les joueurs comprennent qu'un monde vit autour d'eux, qu'ils ne sont pas le nombril du monde, mais aussi qu'ils sont dans un univers qu'ils ne dominent pas, qui ne les met pas sur un piédestal. Un univers où d'autres personnes vivent et grandissent, comme eux ; parfois plus vite et mieux qu'eux. Un univers qui les intègre aussi à son mouvement, où ils peuvent avoir une place, mais qui ne sera jamais la première place. Du reste, on peut se poser la question suivante : y'a-t-il une véritable première place à occuper ? Quel en serait l'intérêt ?

 

  Il y a plusieurs effets à cela. Non seulement les joueurs côtoient des personnages qui peuvent devenir des proches, voire des amis fidèles, des amants, voire des époux, mais ils assistent, en tant que spectateurs et acteurs, à une pièce qu'ils font et qu'ils regardent. On retrouve l'esprit du jeu de rôles, à mon avis, dans cette fusion de l'action et de la contemplation. Alors le MJ n'est plus un créateur d'univers, une main dirigiste, mais un metteur en scène, qui propose et qui est soumis à l'improvisation de ses meilleurs acteurs.

 

  Ce que tu dois comprendre, toi qui lis ces lignes et qui a peur de redescendre tes joueurs au palier « figurants », c'est que tes protégés qu'ils fassent le bien ou le mal, devront en baver pour monter à l'étage supérieur. Ensuite, ils aimeront retrouver des têtes connues, et participer à une aventure qui sera bien plus grande que leurs quêtes et leurs tueries. Ils aimeront retrouver un univers partie après partie, qu'ils auront apprivoisé et qu'ils apprécient. Enfin, regarde le deuxième volet de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Regarde le travail que fournit magistralement Sam Gamegie pour protéger ce petit imbécile possédé de Frodon, manipulé par Gollum. Pour moi, Sam est le véritable héros de la quête de l'Anneau...celui qui supporte tout, qui endure le pire, qui n'abandonne jamais et qui risque sa vie. Celui qui aime son ami et qui ne le laissera jamais flancher. Celui qui tient dans les tourments, la peur et la manipulation. Sam remporte la victoire et ne demandera jamais de compte. Les Hobbits sont très courageux, et ils feraient, je pense, de bons rôlistes.

 

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